Ce semestre, mes
profs nous font étudier Leslie Kaplan pour la partie de grammaire française. Je
crois que ça peut-être un plus gros plan, car ils la prennent comme exemple
dans plusieurs discussions. C’est génial même de savoir comment peut-on
analyser un texte avec toute son implicité grammaticale dont cette langue se sent
fière et touts les écrivains en
profitent. Jamais dans ma langue maternelle, j’ai témoigné la même chose.
Alors j’aimerais citer
un extrait du discours de Kaplan dans la conférence à la New School for Social
Research à New York :
Mon héros : Kafka, « écrire, c’est sauter en dehors de la rangée des assassins ». (Journal, 1922) Exemple de ce saut prodigieux : « Un matin au sortir d’un rêve agité Grégoire Samsa se trouva en énorme vermine » . C’est un saut, un saut dans la fiction, que l’on apprécie d’autant plus peut-être si on se rappelle que le père de Kafka, voir la « lettre au père » avait insulté un grand ami de son fils, l’acteur de théâtre yiddish Löwy en le traitant précisément de vermine. Kafka prend cette insulte, ce mot et avec son génie particulier de le transforme, en fait un insecte réel, que le lecteur considère avec effroi et, bien sûr, plaisir. Cette phrase de Kafka m’a toujours parue la définition même de ce que c’est, écrire, et plus spécialement, écrire de la fiction. « Sauter en dehors de la rangée des assassins » : les assassins, contrairement à ce qu’on pourrait croire, sont ceux qui restent dans le rang, qui suivent le cours habituel le monde, qui répètent et recommencent la mauvaise vie telle qu’elle est. Ils assassinent quoi ? Le possible, tout ce qui pourrait commencer, rompre, changer. Kafka dit qu’écrire, l’acte d’écrire, c’est mettre une distance avec ce monde habituel, la distance d’un saut. Il dit, sauter en dehors, sauter ailleurs. Cela suppose un point d’ appui, et les mots sont ce point d’appui, qui permet de s’arrêter et de saisir d’où vient ce monde, le vieux monde des assassins. Si on ne fait que redire, recommencer, répéter…on n’en sort pas, quel intérêt. Sauter, c’est un acte, un acte de pensée, une rupture, ça n’est pas une simple accumulation, un processus linéaire, on continue et voilà ça se fait tout seul. Non. Il faut se décoller, se déplacer.
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